C'est pas un métier

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Découvrez le métier de…

Experts data, avec Dorian Enard et Paula Gomez

À chaque fois que vous refusez qu’un site web utilise vos données, un Data Analyste meurt de chagrin devant son MacBook et son café latte. Bon, OK, c’est peut-être exagéré, mais toujours est-il que les traces que vous laissez volontairement ou non sur Internet représentent une manne d’informations très prisées des marques, pour le plus grand plaisir des services marketing et publicitaires spécialisés.

« Si c’est gratuit, c’est vous le produit » : tout le monde a déjà lu ou entendu cette célèbre maxime économique à l’origine complexe et sur-popularisée sur les posts LinkedIn et Facebook. Comment ça marche ? Par des campagnes à l’efficacité accrue grâce à un ciblage affiné grâce à vos données. Car oui, la donnée permet à de nombreuses petites mains du numérique d’attirer les entreprises de tous bords à grands renforts de tableaux Excel et de solutions optimales. Leur objectif : générer plus de trafic pour les annonceurs afin de les faire gagner en notoriété, de grossir leur e-réputation et, surtout, de leur permettre de transformer vos empreintes virtuelles en achats finalisés. Pas étonnant alors que cette publicité ciblée vous ait récemment donné envie de manger ce burger juteux ou de commander ce jean taille-basse.


Au pays du nouvel or noir

Dorian Enard et Paula Gomez font justement partie de ces « abonnés de la donnée ». Le premier est Trader Media chez The Trade Desk, en charge de dépenser de façon optimale le budget publicitaire d’une marque en définissant quels médias activer et quelles données utiliser, tandis que la seconde occupe le poste de Data Analyste au sein de l’agence de pub Havas et s’emploie à scruter les données des réseaux sociaux afin d’en extraire des informations pertinentes pour ses clients (tendances d’achats et de consommation, impact des campagnes, engagement des communautés, etc.). Tous deux ont recours à des outils conçus par des ingénieurs et autres Data Scientists qui façonnent et imaginent les logiciels ou algorithmes nécessaires à la récupération, au traitement et au stockage de ce que certains n’hésitent plus à qualifier d’or noir numérique bien que le terme ne fasse pas l’unanimité.


Des chiffres…

Toutefois, n’allez pas penser que le quotidien de Dorian et Paula ressemble à celui d’un lauréat de la Médaille Fields : leurs métiers requièrent davantage de curiosité qu’un doctorat en mathématiques. « Je confirme car je suis moi-même nulle en maths… mais il ne faut tout de même pas avoir peur des chiffres, s’amuse Paula qui, d’ailleurs, a plus le profil école de communication qu’école d’ingé. Avant de devenir Data Analyste, j’ai d’abord fait tout et n’importe quoi dans la com’. J’ai été cheffe de projet, Community Manager… et puis, à un moment, j’ai eu envie de me lancer dans la donnée en me disant que faire des pubs avec de vrais insights et de vraies données justifiées, c’était bien plus malin. » Dorian, lui, a eu une révélation en découvrant cet univers durant la dernière année de son Bachelor en Web Marketing. « Comme cela m’a plu, j’ai décidé de continuer dans cette voie même si, à l’époque, il y avait une forme de prise de risque : je savais que ça me plaisait, mais j’ignorais encore les potentiels débouchés. » Aujourd’hui, le professionnel ne regrette pas d’avoir fait confiance à son instinct pour découvrir un job très prenant et à responsabilité – avec des budgets importants à gérer. « La data, ça veut tout et rien dire car cela peut être énormément de choses. Dans le monde de la publicité par exemple, ce qu’on va surtout utiliser, ce sont les cookies ou les identifiants publicitaires sur mobiles. Et sur la partie Trading Media par exemple, ce n’est pas moi qui vais développer l’algorithme d’optimisation que j’utilise au quotidien, mais ce sera mon rôle de traiter l’analytique et de mener une réflexion autour, pour prendre des décisions. Il faut tester différents scénarios et croiser plusieurs sources de données pour obtenir les meilleures performances. »


… et des tech

En plus d’être curieux, rigoureux, « chiffrophile » et fin manieur des fameux tableurs verts et blancs, le pro de la donnée marketing doit aussi être capable d’évoluer en permanence. C’est même l’une des conditions sine qua non à la bonne pratique de son travail. « Il ne faut pas avoir peur de fouiller et d’apprendre par soi-même, juge Dorian. Ces métiers autour de la data évoluent encore très rapidement et il ne faut pas hésiter à s’actualiser régulièrement. Le métier que je fais aujourd’hui n’est déjà plus le même que celui que je faisais il y a 3-4 ans… et il ne sera pas le même que celui que je ferais dans 3-4 ans ! » Cette évolution nécessaire concerne en premier lieu les évolutions technologiques à suivre, comme l’émergence de l’intelligence artificielle (IA) qui, à en croire Paula, représente plus un allié qu’un véritable concurrent : « Ce que je fais ne peut clairement pas être effectué par une machine ! Une IA peut, comme moi, passer des journées à lire des Tweets pour tenter de les analyser, mais elle n’arrivera pas à déceler les sentiments comme je suis capable de le faire. Les outils ne comprennent pas l’ironie ni le second degré. »


Des flux sous influences

L’autre aspect évolutif repose lui essentiellement sur le bon vouloir des mastodontes du secteur – Google Chrome annonce ainsi abandonner le cookie – comme sur le volet législatif, à l’image du ramdam provoqué lors de l’adoption du règlement général de protection des données (RGPD). Un mal pour un bien car, à chaque changement de loi, de nouvelles contraintes peuvent s’ajouter… et le prix des données peut faire un bond. « Comme la data est devenue plus compliquée à récolter, elle en devient beaucoup plus chère et la donnée de localisation l’est encore plus, note Paula. Le prix évolue aussi selon la construction de la donnée : si une personne informe d’elle-même son âge par exemple, la donnée est considérée comme plus fiable et vaut donc plus que lorsqu’il s’agit d’une estimation faite sur la manière de s’exprimer, ses « likes », etc. » Vous y regarderez maintenant à deux fois avant d’autoriser cette sympathique appli de Sudoku à suivre vos déplacements.


Des employés (d)onéreux ?

Habitués à parler chiffres, les spécialistes du Data Marketing ne s’attirent évidemment pas avec du vinaigre mais avec de bons salaires. Un Data Analyste débutant peut ainsi espérer commencer dans les 30 et 38 K€ bruts annuels, puis avec seulement une poignée d’années d’expérience, passer de 45 à 55 K. Dans le même registre, un Media Trader junior pourra viser un salaire allant 30 à 40 K€ bruts annuels au départ avant d’ensuite prétendre à des rémunérations plus importantes au fil du temps et de son ancienneté, pour atteindre les 50 à 100k.


Data Marketing : quelles formations ?

Si, pour devenir Data Scientist, il est plutôt conseillé de faire une école d’ingénieurs en lien avec le Big Data et l’informatique, les chemins menant aux métiers du Data Marketing sont moins évidents. En effet, rares sont les formations fiables à s’être entièrement dédiées au sujet de ces jobs finalement encore nouveaux. Pire : avec l’effet de mode de la donnée, énormément de formations et d’établissements ne font que saupoudrer de Data des contenus déjà existants. Pour éviter de tomber dans le piège du« Data Washing », il convient de privilégier les programmes où la donnée concerne plusieurs heures de formation et non un simple module additionnel en dernière année. Évitez donc les formations courtes proposant de devenir spécialiste du Data Marketing en quelques jours comme celles qui durent quelques mois mais ne vous demandent pas de prérequis.  Enfin, pensez à sélectionner des établissements affichant de bonnes interactions avec les entreprises (stages, alternances, réseau de partenaires…) car, de l’avis même des professionnels, ces métiers s’apprennent avant tout par la pratique et sur le terrain. De toute façon, gardez en tête qu’il faudra vous former en continue durant votre carrière, voire même rajouter à vos compétences des formations un peu plus scientifiques ou techniques pour aller encore plus loin.

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