C'est pas un métier

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détective privé
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Détective privé, avec Margaux Duquesne et Jean-Marc Lemoine

Vous avez dévoré toutes les aventures d’Hercule Poirot et Sherlock Holmes ? Vous ne manquez jamais une rediffusion de Nestor Burma ? Vous avez fini Discworld Noir sans soluce ? Votre penderie comporte plusieurs imperméables ? Sans doute avez-vous alors l’étoffe pour devenir détective privé. Encore faut-il se mettre à la page.

« Il était 19h30, un mois de novembre. Dehors, la nuit était déjà opaque et je m’apprêtais à fermer le bureau après une journée bien trop calme pour remplir le frigo quand, soudain, une ombre tapa à la porte. Cette demoiselle aussi belle qu’en détresse cherchait à retrouver son jules, disparu après s’être embrouillé quelques jours plus tôt avec une petite frappe dans le quartier de la gare. Cela tombait bien : j’ai toujours la solution pour mettre la main sur des types à problèmes. Les affaires reprenaient enfin. » Évidemment, ce récit tient de la fiction fantasmée et ne ressemble en aucun cas au quotidien d’un détective privé aujourd’hui en France. Toutefois, les clichés sont tenaces : la faute à la vision du job cultivée par Hollywood depuis plus d’un siècle et, surtout, le manque de connaissance du public sur ce métier discret par essence.


Exit les caricatures

« C’est un métier de niche et les gens pensent souvent que cela n’existe qu’aux États-Unis avec des anciens policiers : moi, je nous vois surtout comme des professionnels de la preuve ! », raconte Margaux Duquesne. Détective privée pour son agence Millenium Investigations. Margaux n’a rien de l’ex-flic bedonnant imbibé de wisky. Passée par des études de droit, elle commence dans le journalisme avec une prédilection pour les nouvelles technologies, avant de se lancer dans l’enquête d’investigation et, finalement, de se prendre de passion pour l’enquête pure et dure. Jean-Marc Lemoine n’a pas non plus un borsalino vissé sur la tête et un cigarillo coincé entre les lèvres. Détective privé chez Lemoine & Associés, sa propre agence créée en 2014, il est lui aussi passé par des études de droit (« c’est toujours bien d’avoir des notions juridiques avant d’exercer ce métier ») avant de travailler une dizaine d’années dans le service public puis de se reconvertir dans l’art de la filature. Mais Margaux comme Jean-Marc ne se sont pas lancés du jour au lendemain sur les traces des maris infidèles et des associés suspectés de taper dans la caisse.


Une profession encadrée

« Avant la réforme de 2012, quand la profession n’était pas encore réglementée, n’importe qui pouvait s’improviser détective privé, raconte Jean-Marc. Tu n’avais qu’à faire une déclaration d’intention à la préfecture – une enquête de moralité était ensuite faite sur toi et les renseignements généraux regardaient si tu ne te trimballais pas trop de casseroles. Et puis, si tu passais ces étapes, tu recevais un papier de la préfecture disant que c’était bon. Désormais, il y a une formation à valider, puis, il faut faire une demande d’agrément. Si on veut ouvrir sa propre agence, il faut demander une autre autorisation. Cela ne s’improvise pas et demande un certain investissement. » Nos deux détectives du jour ont ainsi d’abord suivi des cours (voir encadré) et fait des stages en agence avant d’obtenir un CQP (certificat de qualification professionnelle) « d’agent de recherche privée », l’appellation officielle de la profession dans l’Hexagone.


L’inconnu au coin de la rue

À la tête de leur propre « maison », rejoignant les quelques 800 agences françaises de détective privé en exercice, Margaux et Jean-Marc ne se cachent pas : ils aiment ce métier atypique et surprenant – « c’est passionnant de se lever tous les matins sans savoir ce qu’il va se passer », glisse Margaux – qui leur permet de travailler pour des affaires d’ordre privée (adultère, divorce, concurrence déloyale, disparition…) comme sur des contre-enquêtes pénales. « Il faut savoir que n’importe quelle personne victime d’un fait est parfaitement en droit de prendre attache avec un détective privé pour lui demander d’avancer de son côté en parallèle à l’enquête menée par la police, précise Jean-Marc. Bien sûr, il faut travailler en bonne intelligence et, quand on accepte, se présenter de soi-même au service de police en charge de l’enquête. »


Agences et startups, même combat ?

Uniquement armés de leur ruse, de leur sourire, de leur tchatche, d’une grosse patiente et d’un sens de la débrouille surdéveloppé, les détectives privés passent le principal de leur temps sur le terrain à faire la surveillance, poser des questions, prendre des clichés et rassembler un maximum de faisceau d’indices pour rédiger un rapport de leurs constatations pouvant ensuite être délivré à l’avocat ou au client. Mais ils ne doivent pas pour autant oublier de penser à faire tourner la boutique : « C’est une profession libérale, rappelle Margaux. Pour trouver des clients, des collaborateurs – car on peut aussi travailler avec d’autres agences selon les affaires – et se faire sa place, il faut être bon enquêteur, bien sûr, mais aussi bon entrepreneur ! Il faut être dynamique, être capable de faire sa publicité, sa communication… C’est une vraie entreprise ! » Pas sûr cependant que les tauliers du CAC 40 aient envie de quitter leur poste pour embrasser une carrière de fin limier. Tant pis pour eux : ils n’auront pas l’occasion de vivre des aventures aussi saugrenues que celle vécue une fois par Jean-Marc. « Pour nos missions, il est parfois nécessaire de monter des scénarios en amont. Il y en avait une qui, en apparence, n’était une simple mission d’adultère, mais qui m’a fait aller dans des lieux que je ne connaissais pas du tout, où des personnes se donnaient rendez-vous pour des pratiques un peu farfelues… Il faut alors trouver des excuses pour pénétrer dans ces établissements et le moyen de faire illusion quand on se fait accoster par des gens sur place, au risque de passer pour un gros pervers ! »


Une bonne preuve pour une bonne paie ?

Bien que les enjeux financiers de certaines affaires puissent s’avérer importants, le salaire du détective privé n’atteint pas forcément des sommets, notamment en début de carrière quand il tourne autour du SMIC. Et cela n’est pas non plus la norme à en croire Jean-Marc. « Comme pour n’importe quel entrepreneur ayant choisi de se lancer dans une profession nouvelle, les débuts peuvent être délicats : dire que l’on commence au SMIC, c’est faire preuve d’optimisme ! Quand j’ai commencé, je ne me suis pas payé pendant près de deux ans. » Plus tard, le détective privé peut espérer voir ses revenus augmenter aux alentours des 3 000 euros bruts mensuels hors d’éventuelles primes d’intéressement selon les bénéfices de l’agence. Mais tout dépend de sa situation, de son expérience et de sa grille tarifaire. « Chacun est libre dans ses honoraires, note Margaux. Il faut également prendre en compte le nombre de détectives sur le dispositif ou le type de mission. Enfin, il peut y avoir un taux horaire, allant de 70 à 150 euros HT de l’heure. » Mentionnons également le remboursement par le client des frais relatifs à l’exécution de la mission (billets d’avion, frais kilométriques, notes d’hôtel, etc.)


Une poignée de formations officielles

Quatre formations sont, en France, habilitées à délivrer le fameux sésame ouvrant au métier « d’agent de recherche privée » et le titre nécessaire à la création d’une agence : l’Université de Nîmes (licence Professionnelle d’Agent de Recherches Privées), l’Université Paris 2, Panthéon-Assas (licence professionnelle Sécurité des Biens et des Personnes option Activité Juridique Directeur D’Agence Privée), l’ESARP et l’IFAR. Respectivement basées à Paris et Montpellier, ces deux dernières sont des établissements privés créés à l’initiative de la profession. Mais pour suivre chacune de ces quatre formations, il vous faudra en amont demander une autorisation au CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité), ce dernier vérifiant si vous n’avez pas commis par le passé d’actes incompatibles avec l’exercice de la fonction. En outre, en plus d’un casier judiciaire vierge et cette autorisation du CNAPS, il vous faudra également posséder le Bac, un permis B ainsi qu’un véhicule. Enfin, sachez que la durée des formations varie de 6 à 12 mois et peut s’étendre sur deux ans via les cours du soir de l’Université Paris 2 (qui, comme son nom ne l’indique pas, propose sa formation à Melun).

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