C'est pas un métier

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La legal tech, avec Martin Bussy et Julia Collinet

Quand on feuillète un exemple du Code civil, on est très rapidement tenté de penser le droit comme un domaine froid et rigide, très loin de cette agilité qui fait se mordre les lèvres de plaisir tous les chantres de la start-up Nation.  « Objection ! » vous balanceront pourtant à raison certains Phoenix Wright du droit 2.0 bien aidés par des consultants spécialisés.


« Dans les révolutions, il y a deux sortes de gens : ceux qui les font et ceux qui en profitent »  avait un jour sorti un Napoléon Bonaparte inspiré. Les propos tenus par le célèbre Corse collent d’ailleurs très bien à la révolution numérique, avec d’un côté les créateurs d’outils innovants et de l’autre les usagers prêts à vivre la grande aventure de la transformation digitale. Et ce n’est pas Martin Bussy qui dira le contraire. Ce consultant s’est en effet donné pour mission d’accompagner ceux qui pratiquent le droit au quotidien dans l’adoption de services appartenant à la Legal Tech. « Ce terme définit tous les outils et solutions – plateformes, applications… – utilisant la technologie informatique pour aider à faire du droit ou faire du droit directement », explique l’expert également CEO de l’agence Legal Innovation & Transformation.


Ayant par le passé créé lui-même des produits dans ce domaine (il est cofondateur de la société Jarvis Legal), Martin préfère désormais évangéliser les hommes de loi. « J’aide les juristes et avocats à identifier et à s’approprier des solutions technologiques qui pourraient leur permettre de gagner en productivité, de mieux travailler à distance, de développer une nouvelle clientèle, etc. Je ne vends pas d’outils : je suis avant tout là pour comprendre la stratégie du cabinet organisée par sa direction juridique, pour ensuite visualiser quel type de solution pourrait leur permettre de réaliser ses objectifs – aller plus vite, grandir, décentraliser l’organisation à l’international… » Une tâche qui, à croire l’avis de l’intéressé, est d’importance majeure. « Le droit, c’est une arme. Or, quand on regarde qui dépense le plus d’argent en droit, ce sont les grandes multinationales, les ONG internationales et les États qui peuvent travailler avec des gens dans le monde entier et font de plus en plus d’appels d’offres internationaux. Et si nos experts juridiques français, au niveau en parlant du droit pur, ne le sont pas en matière de gestion clients, de gestion projets ou de gestion de la donnée, ils vont finir par perdre des parts de marché ! Leur concurrence n’est plus seulement locale ! » Une mise à niveau qui n’est pas non plus des plus simples, la faute à des interlocuteurs très loin d’être rompus à la gestion de projet et la culture IT. « C’est normal car, de par leur métier et leur formation, ils ne les ont jamais appris ! »


Ce constat, Julia Collinet le dresse aussi. Et si cette dernière peut se permettre de pointer du doigt les manques digitaux des spécialistes de la loi, c’est parce qu’elle a été inscrite au barreau avant de devenir consultante en protection des données personnelles auprès d’entreprises françaises comme internationales. « J’ai mon socle et une méthode juridiques, grâce à mes études et mes années passées en tant qu’avocate, mais pour devenir consultante, j’ai dû suivre une formation sur la gestion de projet, la cybersécurité et l’IT afin de pouvoir justement accompagner mes clients dans la conduite du changement. (…) Certaines entreprises sont conscientes des risques sur la protection des données mais ne savent pas où commencer. D’autres estiment que le poids réglementaires est disproportionné par rapport à leur activité. Le consultant est là pour aider et non rajouter une pression supplémentaire ! »


À présent spécialiste de la RGPD, elle regrette que les formations actuelles de droit n’intègrent pas ces nouveaux outils et cette approche disruptive alors que « les juristes sont particulièrement friands des outils de la Legal Tech qui leur permettent d’alléger les tâches répétitives, comme par exemple, la gestion du contrat qui est une étape simple, mais qui prend du temps. » Un manque de souplesse et de modernité qui explique peut-être pourquoi nombre d’avocats rendent la robe après 10 ans de pratique, préférant souvent justement se lancer dans des activités de conseil qui continuent de graviter autour du droit et requièrent également de la curiosité et de une certaine verve. « Compléter sa formation juridique par un double diplôme en business, management ou en technologies peut aussi être un avantage, juge Martin Bussy qui, de son propre aveu, aime travailler avec le droit chaque jour, mais n’aurait sans doute pas aimé l’étudier tel quel. Il faut se dire que le droit s’exerce dans tous les contextes économiques, quels qu’ils soient ! J’ai connu une personne qui, en plus de sa formation en droit, s’est formée au code via Le Wagon pour devenir responsable juridique d’une start-up de la Legal Tech. Cela lui permet de parler avec les développeurs comme les juristes pour la RGPE, d’avoir une bonne capacité d’argumentation… » C’est ce qui s’appelle sûrement un droit de réponse.


Qui a le droit ?               

En plus des avocats, des juristes (qui exercent en entreprise pour assurer la légalité des actions menées), de ces consultants d’un nouveau genre et des acteurs de la Legal Tech, le droit rassemble bien d’autres professions. Citons par exemple les avocats lobbyistes, qui interviennent par exemple pour défendre les droits des consommateurs, les notaires, les greffiers, les huissiers de justice, les secrétaires de cabinets, voire encore les professeurs de droit et leurs assistants ! Enfin, tous ceux qui font Science Po et veulent devenir collaborateurs politiques font également du droit.


Le droit de savoir

Si l’on veut faire du droit son métier, il généralement d’abord passer par la case université avec des formations proposées dans la grande majorité des principales villes de France. Toutefois, la sélection y est particulièrement frustrante à chaque étape du cursus. Ainsi, certaines grandes universités parisiennes reçoivent sur Parcoursup plus de 10 000 candidatures pour seulement 1 000 places accessibles pour la 1re année ! L’écrémage se poursuit ensuite au fil des ans selon la qualité des notes des étudiants : suivant vos résultants, l’accès en M1 comme en M2 n’est pas forcément garanti, tout comme la possibilité de suivre la spécialité que vous espériez. C’est en raison de cette forte sélectivité que des prépas de droit se sont créées en dehors des facultés afin d’aider les étudiants à réussir ces différentes étapes de préparation. Il existe également des alternatives, comme les universités catholiques ou la Faco (pour Faculté libre de Droit et d’Economie-Gestion). Enfin, celles et ceux qui veulent absolument découvrir le droit sans pour autant ne faire que cela peuvent aussi explorer les programmes de grandes écoles, notamment de commerce, ayant choisi d’intégrer ce domaine à leurs formations via des modules, des spécialités… Ayant le mérite d’exister, ces pistes ne vous permettront toutefois pas d’acquérir une réelle méthodologie juridique ni le droit de vous affubler de la célèbre robe noire !

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