C'est pas un métier

C'est pas un métier

Découvrez le métier de…

Champion d’esport, avec Guillaume Merlini et Luffy

Si la pratique du jeu vidéo touche un très large public*, elle peut aussi représenter un métier à part entière pour certains « gamers » de haut niveau. Eux, ce sont les champions de l’esport : des athlètes de la manette et du clavier également devenus les rois de l’entertainment en ligne, drainant des communautés énormes de fans sur Twitch à chaque partie.


Les compétitions de jeu vidéo sont aussi vieilles que le medium lui-même. Dès l’apparition de Pong en 1972, des concours locaux sont organisés un peu partout dans le monde pour valoriser la quête du high score dans les bars et cafés abritant la célèbre borne. La sortie d’autres succès (Space Invaders, Donkey Kong, Q*bert…) va accélérer le mouvement en favorisant l’encadrement de la discipline (le formidable documentaire « King of Kong » le démontre). L’apparition des consoles n’a pas ralenti le mouvement, engendrant également son lot de joueurs acharnés, à l’image du français Pierre Landouzy qui, à l’orée des années 2000, remporta une Porsche, une Chrysler Viper GTS et une Harley-Davidson en s’adjugeant trois concours Playstation**. Mais tout cela n’est rien en comparaison de l’émergence du jeu en ligne qui a permis à l’esport de révolutionner la pratique  autour de titres phares tels que League of Legends, Dota 2, Fortnite ou encore Overwatch.


Luffy et Griezmann, même combat

Les esportifs sont des athlètes professionnels au même titre qu’un Djokovic pour le tennis ou qu’un Griezmann pour le football. Réunis dans des clubs parfois dotés de gros budgets (grâce à la présence de sponsors importants***) et d’un staff conséquent (ostéopathes, social media manager, coachs mentaux, nutritionnistes, cuisiniers, psychologues, managers, analystes…), ils sont obnubilés par la quête de l’excellence. C’est notamment le cas d’Olivier « Luffy » Hay, grand champion sur Street Fighter V qui, à 34 ans, fait partie des « vétérans » de l’esport. Lui a basculé dans le jeu vidéo professionnel après avoir commencé à jouer simplement « par passion », jusqu’à ce que le constat s’impose : son talent pouvait lui permettre de quitter son poste de « responsable achats dans une grande boite de publicité » pour s’y consacrer à plein temps et devenir le meilleur français du circuit. Depuis ce changement de vie, son quotidien consiste à faire de la veille sur le jeu (« pour apprendre les dernières nouveautés et techniques découvertes »), s’entraîner (« certains s’entrainent 8 à 10 h chaque jour manette en mains, mais je préfère y passer 2 à 3 h pour réellement me perfectionner ») et analyser ses performances (« je me visionne ensuite chaque partie jouée, victoire comme défaite, pour savoir comment m’améliorer constamment »). Un véritable parcours du combattant, ce qui semble normal pour un pro du versus fighting.


Des carrières courtes et peu de place

Toutefois, Luffy est un cas à part dans le milieu car la grande majorité des nouveaux esportifs apparaissent en même temps que leur puberté comme l’explique Guillaume Merlini, président et fondateur du club GamersOrigin : « Les joueurs sont recrutés très tôt aujourd’hui et la plupart sont repérés entre 16 et 18 ans directement sur Internet, quand depuis leurs chambres, ils commencent à rejoindre des petites équipes, pour jouer entre amis et obtenir de premiers résultats intéressants. » Ces compétitions servent de révélateur et remplacent les infrastructures qui, dans le sport traditionnel, permet de déceler les talents amateurs ayant le potentiel pour franchir un palier et tenter l’aventure professionnelle. Reste que les places sont rares pour devenir l’alter égo d’un Gotaga ou d’une Kayane. « Il faut aimer jouer, bien sûr, mais surtout être très persévérant et avoir un réel talent car il y a 10 millions de joueurs qui veulent devenir pro pour seulement une poignée d’élus, souligne Guillaume Merlini. Il faut également avoir en tête que les carrières s’arrêtent souvent vers 25-26 ans. » On a donc plus de chance de finir sur un game over qu’au panthéon de The International, le tournoi esport offrant la plus grande dotation à ce jour (plus de 34 millions de dollar en 2019, sur le jeu Dota 2) !

Ce qu’il faut retenir :

– Les futurs joueurs professionnels de l’esport émergent d’abord via des compétitions en ligne avant d’être repérés par des clubs/teams plus huppées. Les carrières commencent généralement avant l’âge adulte et se terminent bien souvent avant la trentaine.

– Le monde de l’esport ne s’arrête pas qu’aux joueurs : que ce soit dans les clubs ou les événements associés, d’autres métiers gravitent autour des champions au niveau de la préparation mentale et physique, de la communication, du graphisme, du merchandising…

– Les revenus des esportifs viennent en partie des clubs, du merchandising et des contrats de sponsoring, mais surtout des gains des tournois remportés (les « cash prizes ») sur lesquels le club ne touche généralement rien.


* En France par exemple, on dénombrait en 2020 près de 36,5 millions de joueurs de jeu vidéo d’après le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs


** Sur les jeux Porsche Challenge, Gran Turismo et Tekken 3. Les lecteurs de magazines de jeux vidéo de l’époque auront même pu le voir en photo dans des articles dédiés, faisant de lui l’une des premières célébrités francophones du genre.


*** De nombreuses marques organisent des championnats/ligues ou montent leurs propres équipes. L’esport attire ainsi des géants comme Red Bull, Coca-Cola, Intel… Dans un autre registre, plusieurs clubs de football professionnel ont également lancé leurs propres sections esport, à l’image du PSG.

S'abonner au podcast